La République Dominicaine devant la Cour Interaméricaine pour des cas de discrimination raciale, d’expulsions massives et de privation arbitraire de nationalité
Les mardi 8 et mercredi 9 octobre 2013, la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme tiendra une audience publique autour d’un cas opposant la République Dominicaine et un groupe de six familles qui avaient été victimes de détention arbitraire et d’expulsion collective par des agents de la migration dominicaine en 1999 et 2000.
Les faits en jugement concernent la discrimination raciale structurelle qui se manifeste dans ce pays par l’exclusion, la restriction des droits fondamentaux de la population dominicaine d’ascendance haïtienne, groupe auquel appartient la majorité des victimes du présent cas.
Une des conséquences de ce problème de discrimination qui sera étudiée par la cour c’est l’expulsion massive de personnes de couleur noire parce qu’elles ont été considérées comme des étrangers en raison de la couleur de leur peau, sans aucune possibilité de faire valoir leurs droits et sans respect des prescrits légaux en la matière.
Le Centre pour la Justice et le Droit International (CEJIL), le Mouvement des Femmes Dominico-Haïtiennes (MUDHA), le Groupe d’Appui aux Rapatriés et Réfugiés (GARR) et la Clinique Des Droits Humains de la Faculté de Droit de l’Université Columbia de New-York agiront comme représentants des victimes par-devant la Cour interaméricaine à cette session extraordinaire de la Cour qui a lieu à Mexico.
Francisco Quintana, Directeur du Programme de CEJIL pour la Région Andine, l’Amérique du Nord et les Caraïbes, a déclaré que « le déni de la discrimination raciale constitue le plus grand obstacle à la recherche d’une solution effective aux problèmes que cette population est en train de vivre en République Dominicaine. C’est un problème sérieux. Nous sommes en train de parler de discrimination structurelle, laquelle a engendré non seulement les expulsions, mais aussi des restrictions dans la reconnaissance des droits fondamentaux des personnes affectées, comme par exemple le droit à la nationalité ».
A rappeler que le Comité des Nations Unies contre l’Elimination de toutes les formes de Discrimination a analysé le problème et a conclu en son dernier rapport publié en mars 2013 que la discrimination structurelle en République Dominicaine affecte directement la population de descendance africaine, car elle la soumet à une nette exclusion et restriction de ses droits fondamentaux et des opportunités de développement.
L’organisme international avait sollicité plusieurs mesures pour établir des politiques publiques qui permettraient d’identifier la discrimination raciale existante, pour réformer les politiques migratoires et empêcher la dénationalisation qui peut générer des situations d’apatridie.
« Nous espérons que la Cour Interaméricaine prendra en compte les diverses analyses et positionnements adoptés par ce comité, ainsi que ceux du Comité des droits de l’enfant et de celui pour l’Elimination de toutes les formes de discrimination contre la femme en relation avec l’Etat dominicain », a ajouté Paola Garcia Rey, consultante de la clinique des Droits Humains de l’Université Columbia.
De son côté, Christiana Luis Francisca, présidente de Mudha a signalé “qu’une fois de plus, nous sommes obligés de recourir au système interaméricain de Droits humains, car l’Etat dominicain ne nous a pas laissé d’autres choix; il continue de violer de manière systématique les droits humains fondamentaux. Il y a un manque de dialogue ouvert et respectueux des droits humains entre les autorités et les organisations. Nous sommes aujourd’hui devant la Cour Interaméricaine et si nécessaire, nous irons également devant les organes des Nations-Unies».
Durant le premier jour de l’audience, la Cour interaméricaine écoutera le témoignage d’une des victimes dominicaines expulsée avec sa famille durant l’année 2000. Elle écoutera également deux experts en politiques migratoires qu’elle va questionner sur l’application correcte des standards du droit international en la matière et un expert en matière de discrimination raciale en Amérique et en Afrique.
Les organisations parties prenantes à l’affaire réclament une réparation intégrale pour les victimes, incluant une excuse publique de la part de l’Etat dominicain et l’adoption de mesures pour éviter la répétition de tels faits. Elles demandent également que l’Etat dominicain reconnaisse l’existence de la discrimination raciale dans le pays comme premier pas nécessaire pour changer les structures qui fomentent l’exclusion et la xénophobie.
Communiqué du GARR, CEJIL, MUDHA et la clinique des droits Humains de l’Université Columbia