Journée Internationale des Migrant(e)s :
le GARR appelle le gouvernement haïtien à faire du dossier des migrant(e)s une priorité
Des migrants haïtiens au momoent de leur retour spontané au point frontalier de Belladère/Elias PiñaDes migrants haïtiens au momoent de leur retour spontané au point frontalier de Belladère/Elias Piña, le 17 juin 2015 – Photo: Archives du GARR
A l’occasion de la Journée Internationale des Migrant(e)s, le 18 décembre, le GARR vient rappeler aux dirigeants haïtiens la nécessité d’accompagner les migrant(e)s, en particulier ceux et celles rapatriés au niveau de la Frontière haïtiano-dominicaine.
En effet, le GARR constate depuis plusieurs mois l’indifférence ou la négligence des autorités haïtiennes dans la planification de l’accueil des rapatriés et des familles retournées de la République Dominicaine. Le tableau sombre observé à Anse-à-Pitres, contredit les vantardises éphémères du gouvernement haïtien qui clamait haut et fort que le pays est prêt à accueillir ses ressortissant(e)s dans la dignité.
Depuis environ sept mois, plus de 500 familles revenues volontairement de la République Dominicaine s’installent dans des abris de fortune au niveau des sites à Anse-à-Pitres. Ces compatriotes vivotent dans des conditions infrahumaines, sans nourriture ni eau potable. Les maladies infectieuses de toutes sortes dont le choléra, aggravent davantage leur misérable sort.
Rappelons que le choléra, depuis la fin du mois de novembre 2015 a déjà causé la mort d’une vingtaine de personnes et la contamination de plus de 40 autres. Qu’attend-on encore de pire pour relocaliser ces familles ?
Mis à part les opérations de rapatriements qui se poursuivent dans les différents points frontaliers- environ 51160 milles personnes ont traversé la frontière haïtienne entre juillet à mi-décembre 2015-des troubles et des tensions ont marqué les échanges transfrontaliers durant toute l’année 2015. Ce qui traduit les frustrations, les exploitations, les abus de pouvoir et l’informalité qui y règnent.
En octobre dernier, des troubles survenus dans la commune d’Anse-à-Pitres avaient provoqué l’incendie du bureau de la douane et de l’immigration de la zone. De nombreux morts ont également été enregistrés dans les zones frontalières. A titre d’exemple, dans la commune de Ganthier, plus précisément à la frontière de Malpasse/ Jimani, plus de 7 morts ont été recensés de janvier à novembre 2015.
La décision du Ministère de l’Économie et des Finances d’interdire la rentrée par voie terrestre de 23 produits dominicains est venue comme de la poudre sur le feu. Plusieurs mouvements de protestation au niveau de la frontière ont été enregistrés. Sans contester une telle mesure, le GARR croit que des actions préalables et complémentaires auraient dû être prises pour compenser les manquements au niveau des communautés frontalières.
Le GARR juge aussi inappropriée la décision de l’administration Martelly-Paul de céder sans ambages la gestion des frontières du pays à une firme étrangère pour une période d’environ cinq ans à un stade crucial de la crise haïtiano-dominicaine. Quel Etat qui accepterait de perdre le contrôle de ses frontières dans ce contexte actuel ? Avait-on déjà analysé les avantages et les inconvénients que cela engendrait pour les communautés frontalières et le pays tout entier ?
Parallèlement, les récentes manifestations organisées par les migrants haïtiens travaillant dans le secteur de la canne à sucre pour réclamer des documents d’identité, prouvent la complicité de l’Etat haïtien dans les vagues de rapatriements actuels. Les manifestants ont fait état d’un total de quatre millions six cent huit mille (4,608000) pesos qui serait récolté dans le cadre du Programme d’Identification et de Documentation des Immigrants Haïtiens (PIDIH), alors que les contribuables n’ont pas reçu les documents pour lesquels ils ont déjà payé depuis le mois de novembre 2014.
Face à un tel comportement de la part du gouvernement haïtien, les autorités dominicaines trouvent un alibi pour cacher leur mauvaise foi dans la régularisation des migrant (e)s haïtiens qui se trouvent en situation irrégulière sur le territoire dominicain.
Il est temps que la question de la documentation des Haïtiens/Haïtiennes soit une priorité nationale. Car l’un des principaux problèmes qui affectent les migrant(e)s est l’inaccessibilité aux documents d’identité notamment l’acte de naissance et le passeport.
Le GARR en tant qu’institution qui s’investit depuis plus d’une vingtaine d’années dans la promotion et la défense des droits des migrant(e)s invite le gouvernement à prendre des mesures urgentes en vue d’afficher son leadership dans l’accueil des rapatrié(e)s et la documentation des travailleurs migrants vivant en République Dominicaine.
Pour cela le gouvernement haïtien doit :
1. Apporter son assistance aux migrant(e)s haïtiens installés dans les sites à Anse-à-Pitres et les relocaliser dignement;
2. Fournir un accompagnement aux personnes rapatriées qui ont laissé leurs proches et leurs biens en République Dominicaine ;
3. Prendre des mesures rapides pour fournir des documents d’identité aux travailleurs migrants ;
4. Elaborer une politique d’accueil et de réinsertion des rapatriés en vue de leur intégrer dans leur zone d’origine ;
5. Clarifier et partager le plan d’actions de la Direction des Affaires Haïtiano-dominicaines nouvellement créée au sein du Ministère des Affaires Etrangères et des Cultes ;
6. Implémenter des programmes de développement socio-économique dans les communautés frontalières adaptés à la réalité des personnes qui y vivent.
Saint-Pierre-Beaubrun
Coordonnateur