Fin du PNRE : Des retours volontaires et des rapatriements de migrants haïtiens enclenchés sur la frontière haïtiano-dominicaine
Publication du GARR
Jeudi 18 juin 2015
Une ressortissante haïtienne qui venait tout juste d’arriver à la frontière d’Elias Piña, le 16 juin 2015
Photo: Josué Michel
Du week-end écoulé jusqu’à ce mercredi 17 juin, date butoir du PNRE, un retour «volontaire» en série de plusieurs centaines de migrant(e)s haïtiens a été observé dans divers points frontaliers officiels et non officiels d’Haïti et de la République Dominicaine. Une soixantaine de ressortissant (e)s haïtiens ont été rapatrié(e)s à la frontière de Jimani/Malpasse, le 16 juin 2015.
Douze d’entre elles ont dû parcourir des kilomètres à pied pour aboutir à Boucan Chatte et à Terre Froide, deux localités frontalières de la commune de Fonds-Verrettes (Ouest d’Haïti). Huit de ces rapatriés tentaient de retourner en République Dominicaine en passant par la localité frontalière de Limón mais n’ont pas réussi à traverser. Elles ont été refoulées par des soldats dominicains basés à ce point frontalier non officiel.
Willio Pierre, 18 ans, originaire de Terre-Froide, qui faisait partie des rapatrié(e)s est décédé le 16 juin 2015 en arrivant chez ses parents. Il travaillait dans les plantations dominicaines après y avoir vécu 3 ans, a informé Raphaël Saint-Rosier, Coordonnateur Zonale du RFJS à Fonds-Verrettes.
Ces personnes rapatriées à Malpasse ont été accueillies par des Comités de Droits Humains du RFJS respectivement basés à Boucan Chatte et à Terre-Froide. Elles sont originaires de Jacmel, de Léogane de Thiote et de Montrouis, a informé Désantil Dérosemé, Délégué du Comité de Droits Humains à Terre-Froide.
«Je travaillais dans le domaine de l’agriculture et j’ai vécu 50 années en République Dominicaine. J’avais 3 ans quand ma maman a quitté Haïti pour aller s’établir en République voisine.», a déclaré Wilner, un rapatrié séparé de ses 4 filles et fils resté(e)s en République voisine.
La psychose de peur qui envahit l’esprit des ressortissant (e)s haïtiens en République Dominicaine s’est soldée par une fuite massive de plusieurs centaines de migrant (e)s haïtiens qui commencent à laisser au quotidien le territoire voisin.
A Cornillon/Grand-Bois, plus de 600 ressortissant (e)s haïtiens se sont vu obliger de quitter la République Dominicaine sous peine d’être victimes de violences, ont-ils/elles confié à Bertho Jean Junior, un animateur du GARR basé dans ladite commune frontalière.
A la frontière de Belladère, le même cadre figure a été observé. « Je suis une mère de famille, j’ai 2 enfants. J’ai vécu 8 ans là-bas. J’avais déjà envoyé mes deux fils en Haïti depuis le 15 juin. Je suis rentrée ce 16 juin 2015 ne voulant être maltraitée par des Dominicains au moment des rapatriements.», a déclaré Isiana qui s’est empressée à retourner en Haïti lors d’une interview avec le GARR à la frontière de Belladère.
Au niveau du haut Plateau Central, plus spécifiquement à Boc Banic 25 personnes ont été accueillies par une animatrice du GARR. Ces migrants(e)s ont laissé Elias Piña, province de la République Dominicaine par peur d’être rapatriés de force.
Même avant la fin du PNRE, les autorités dominicaines n’ont pas cessé de violer l’article 37 du décret 377-13 créant le PNRE. Cet article fait obligation à l’Etat dominicain de surseoir à toute déportation au moment du déroulement du processus.
Sur 2420 personnes rapatriées et observées par le GARR seulement à la frontière de Belladère/Elias Piña, de janvier à mai 2015, plusieurs ressortissant(e)s qui avaient leur fiche d’inscription au PNRE, ont été chassées du territoire voisin. Au nombre de ces personnes figuraient, 2023 hommes, 249 femmes, 89 garçonnets et 59 fillettes.
Le GARR appelle les autorités haïtiennes à exiger des autorités dominicaines le respect du Protocole d’accord sur les mécanismes de rapatriement signé par les deux gouvernements, le 2 décembre 1999.
Il en profite pour demander à l’Etat haïtien de réclamer du gouvernement dominicain, avant toute déportation, la non séparation de familles, la récupération des biens et la communication de la liste des personnes se trouvant dans le processus de rapatriement aux autorités haïtiennes comme exige les points b et f dudit Protocole.
Le GARR exhorte les autorités dominicaines à respecter les droits humains lors des déportations.