GARR – Assassinats, chasse aux migrants haïtiens à Pedernales et panique à la frontière d’Anse-à-Pitres
 

Des tirs nourris et des jets de pierres ont créé une situation de panique à la frontière d’Anse-à-Pitres/Pedernales, le lundi 12 mars 2018. Des marchandes et marchands, des passagères et passagers n’ont pas pu circuler. Les portails du marché étaient verrouillés. Des militaires dominicains et des agents du Corps Spécialisé de Sécurité Frontalière Terrestre (CESFRONT) montaient la garde. Entre temps, des migrantes et migrants haïtiens qui fuient les représailles de civils dominicains arrivent par trentaine au niveau de la frontière.

Luis Manuel Felix Matos, maire de Pedernales a annoncé la fermeture temporaire du marché frontalier pour éviter des affrontements entre Dominicains et Haïtiens. Parallèlement, des véhicules escortés par des militaires dominicains amenaient des migrantes et migrants haïtiens par vingtaine… par trentaine. Des élèves en uniforme faisaient partie également de ces personnes. C’est la panique totale. Des civils dominicains font la chasse aux migrants haïtiens à Pedernales.

D’autres personnes qui fuyaient les représailles des Dominicains en colère sont arrivées à la frontière par leurs propres moyens. C’est le cas d’un jeune migrant blessé qui dit être amené en moto par un bon samaritain après avoir été attaqué par un groupe de Dominicains. Du sang coulait sur son front et ses vêtements étaient déchirés.

 « Je n’étais pas informé de cette situation sinon je saurais à quoi m’en tenir. Pendant que je faisais paisiblement mon chemin, des Dominicains m’ont appelé. Je refusais catégoriquement d’aller à leur rencontre. Ils se sont jeté sur moi et m’ont roué de coups injustement. Heureusement, un autre Dominicain qui me voyait allongé par terre, m’a mis sur sa moto pour m’amener à la frontière. », a raconté Ednor Jacinthe qui a été admis au centre de santé d’Anse-à-Pitres (Sud-est d’Haïti).

Les autorités haïtiennes concernées doivent intervenir en toute urgence pour empêcher que la situation se dégénère. Car des familles arrivent dans de mauvaises conditions en laissant derrière elles tout ce qu’elles avaient.

« Cette situation est très préoccupante. C’est difficile de compter les gens, car ils arrivent en grande quantité. Le plus urgent maintenant, c’est la sécurité. La commune a besoin de renfort pour empêcher que la population rentre en altercation avec les militaires dominicains. », a déclaré, Me Marc Anglade Payoute, Juge au tribunal de paix d’Anse-à-Pitres.

Me Payoute informe qu’il y a seulement trois policiers administratifs pour toute la commune et quelques agents du Corps d’Intervention de Maintien de l’Ordre (CIMO) attachés directement à la Douane.

A noter que cette situation de panique au niveau de ce point frontalier a pour origine l’assassinat d’un couple dominicain, le 19 février 2018.

En effet, l’agriculteur Julio Reyes  Pérez, 68 ans, est mort à coups de machette dans sa ferme, à Las Mercedes en République Dominicaine. Sa femme, Neyda Féliz Urbáez, 55 ans, qui était grièvement blessée le même jour, a été transportée d’urgence à l’hôpital. Elle est décédée dans la nuit du  10 au 11 mars 2018.

Deux frères haïtiens qui travaillaient sur la ferme agricole du couple ont été suspectés d’être les auteurs de ce double meurtre survenu lors d’un incident non élucidé. Depuis, ils seraient en cavale en Haïti.

Selon la presse dominicaine, le médecin légiste Xiomara Acosta a certifié que le fermier dominicain est mort d’une hémorragie externe occasionnée par des coups de couteau reçus dans le crâne, tandis que sa compagne a des plaies pénétrantes à la poitrine et au cou.

Révoltés, des Dominicains ont manifesté, le 12 mars 2018, devant le Palais de Justice, à Perdenales. Ils ont lancé un ultimatum de 24 heures aux Haïtiens pour quitter la ville sous le slogan : " Plus d’Haïtiens, plus de meurtre ! ”.

Ce double meurtre tragique n’est pas sans incidence sur la communauté haïtienne qui vit à Pedernales. Une chasse aux migrantes et migrants haïtiens a été constatée dans divers points de passage de la commune frontalière d’Anse-à-Pitres. Des centaines d’Haïtiennes et Haïtiens, arrivés sans leurs effets, ont été observés au niveau du point frontalier officiel d’Anse-à-Pitres/Pedernales.