Le journal d’AVSF – Juillet 2014

JEUNES, AGRICULTEURS ET ENTREPRENEURS

74% des Haïtiens pauvres vivent en milieu rural, avec comme principale activité l’agriculture. Malheureusement le revenu de cette activité ne suffit pas à les faire vivre. En aidant 160 jeunes à devenir de vrais « entrepreneurs » en agriculture, c’est la valorisation de l’agriculture haïtienne toute entière que vise AVSF.

C’est bien à cette valorisation globale que pense David Millet, coordinateur d’AVSF à Haïti, quand il pointe le manque absolu d’organisation et d’infrastructures agricoles :
« Alors que 3/4 des pauvres d’Haïti sont essentiellement agriculteurs, il n’existe quasiment aucun service de base. Il paraît donc essentiel de mettre en place de nouvelles stratégies agricoles pour permettre le développement du pays ».
Car l’exploitation agricole, quelle que soit sa dimension, est bien une entreprise. Et aider les petits paysans à la penser comme telle, c’est lutter in fine contre la pauvreté.

Une sélection originale …

Le projet consiste à soutenir de jeunes agriculteurs-entrepreneurs dans le lancement de leur activité en leur facilitant l’accès au crédit, puis de les accompagner par de la formation et du conseil. Son originalité ? S’appuyer sur des partenaires locaux et sur la diversité de leurs réseaux pour identifier ces 160 jeunes porteurs de projets d’avenir.

Dans ce cadre, le Mouvement Paysan de Papaye (MPP) sélectionnera 30 futurs entrepreneurs parmi les jeunes formés dans le cadre d’un cycle annuel d’agro-écologie ; les Petits Frères de l’Incarnation (PFI) puiseront dans les 120 jeunes diplômés de son école d’entrepreneurs agricoles (2 ans de cursus) ; et le partenaire historique d’AVSF, Veterimed, sélectionnera des membres de l’Association des Producteurs de lait affiliés à la laiterie de Papaye (plateau central haïtien).

…et un coup de pouce financier pour un pari réussi !

Elucienne Gerdenne est l’une de ces heureux élus. Fille de paysans pauvres, elle interrompt ses études à 19 ans et se lance dans une formation agricole proposée par le Mouvement des Paysans Papaye (MPP). Elle y apprend la culture maraîchère et les techniques de l’agro-écologie. En 2011, elle entend parler du projet pour aider de jeunes paysans à monter leur ferme et apprendre à la gérer. Les conditions financières du projet ? 10% d’apport personnel, 45% de subvention et 45% de crédit à un taux privilégié pour financer le projet de chaque jeune sélectionné… Sa candidature retenue, Elucienne reçoit donc 1 500 € de subvention et contracte un emprunt de 1 000 €…

« J’ai envie de réussir parce qu’à un moment donné des gens ont cru en moi, et pensé que je pouvais réussir. »

Forte de ce capital de départ, Elucienne se lance. Elle achète 12 chèvres et un bouc, plus une parcelle de 1,5 ha pour créer deux jardins : un pour le fourrage, un autre pour le maraîchage. Elle fait aussi construire une petite bergerie. Un an plus tard, elle a déjà vendu 25 petites chèvres, un bouc et gagné 2 200 €. Partie gagnée et pari tenu pour Elucienne, qui pourrait rembourser son emprunt dès cette année et envisage même de reprendre ses études pour devenir agronome.

Témoignage par Dominique Gerbaud, journaliste et ancien président de Reporters Sans Frontières.