A côté de ses partenaires de la Coordination Europe Haïti, le Collectif Haïti de France soutient le plaidoyer adressé à l’Union Européenne pour soutenir toute initiative visant à instaurer une nouvelle gouvernance en Haïti. 

Bruxelles, le 31 octobre 2023

Messieurs,

La Coordination Europe-Haïti (CoEH) s’est réunie en assemblée générale mi-octobre 2023 pour échanger des derniers développements et de la situation de plus en plus catastrophique en Haïti. La CoEH est un réseau d’organisations et de plateformes de la société civile européenne fondé en 2004 et qui travaille en étroite collaboration avec des organisations et mouvements de la société civile en Haïti. La CoEH s’est donnée pour mission de faire entendre la voix des Haïtiennes et Haïtiens auprès de l’Union européenne (UE) et de ses États membres et c’est dans ce cadre qu’elle interpelle l‘UE en lui demandant d’être plus attentive à cette situation extrême. Notre lettre est un appel urgent à l’action pour faciliter la recherche d’une véritable solution d’avenir pour Haïti, en accord avec la volonté de la grande majorité de la population haïtienne.

Depuis notre dernière communication en date du 5 mai 2023, la situation en Haïti n’a fait qu’empirer. Le pays s’enfonce de plus en plus dans le chaos, sans perspective d’avenir pour la population. Ce chaos se caractérise par le déferlement sans aucune contrainte de groupes armés qui contrôlent chaque jour des espaces plus importants de la capitale et de certaines régions de province, notamment l’Artibonite, principal grenier du pays. Ces bandits, qui agissent en toute impunité, chassent les habitants de leurs maisons, tuent, blessent, brûlent, pillent et violent. Au cours du 1er semestre de 2023, au moins 2.000 homicides et 1.500 enlèvements ont été perpétrés par les bandes armées et plus de 200.000 personnes ont été déplacées par la violence en Haïti. À tout cela vient s’ajouter l’inflation, la pauvreté, une économie en déroute et la faim qui touche pratiquement un Haïtien sur deux. Cette crise a été exacerbée par la fermeture unilatérale de la frontière et le déploiement militaire massif de la République dominicaine en représailles au projet de canal sur le fleuve Massacre, destiné à irriguer près de 3.000 hectares de terres haïtiennes.

C’est dans ce contexte insupportable que le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté le 2 octobre une résolution autorisant le déploiement d’une force multinationale de sécurité dirigée par le Kenya pour lutter contre la violence des gangs en Haïti, sans questionner le rôle que des détenteurs actuels du pouvoir en Haïti jouent dans cette situation d’extrême violence. L’envoi de cette énième mission de troupes internationales est présenté comme une lueur d’espoir pour un pays totalement abandonné par son gouvernement. Mais de quel espoir parle-t-on si cette force, au lieu de s’attaquer à la racine du mal, ne fait que renforcer le gouvernement qui a conduit le pays à l’état infernal dans lequel il se trouve aujourd’hui ?

Nous sommes convaincus que tout effort de solution aux problèmes actuels d’Haïti, doit passer, avant tout, par la mise en place d’un gouvernement fonctionnel déterminé à gérer le pays. Malheureusement, ce n’est pas le cas pour le gouvernement de M. Ariel Henry qui n’a aucune légitimité, aucun mandat et qui concentre tous les pouvoirs entre ses mains sans aucun contrôle. Haïti a aujourd’hui besoin d’un nouveau leadership, d’un gouvernement de transition composé de personnalités crédibles, progressistes et engagées dans la promotion de la démocratie, les droits humains et le respect de l’État de droit. Ce nouveau gouvernement devrait créer les conditions pour le rétablissement de la sécurité dans le pays et faciliter la tenue d’élections libres et équitables, permettant ainsi aux hommes et femmes politiques non affiliés à des gangs de se présenter aux élections et garantissant la liberté de vote de la population et son droit de choisir ses dirigeants. Seule la mise en place d’un gouvernement de transition crédible permettra aux forces de police et de sécurité, avec le soutien probable de forces extérieures selon les besoins, de lutter efficacement contre la violence des gangs et les autres formes de violence qui endeuillent sa population