Appel urgent de la société civile du continent à réagir face à la crise humanitaire des migrants haïtiens dans les Amériques
Des participantes et participants au forum international posent en photo
Photo: Edson Louidor
Suite à un forum international tenu les 25 et 26 mai 2017 à Carthagène des Indes (Colombie), des dizaines de représentants de la société civile du continent ont fixé leur position sur la crise humanitaire des migrantes et migrants haïtiens dans les Amériques.
Le GARR partage avec vous l’intégralité de la note :
Carthagène des Indes, Colombie, 26 mai 2017.Réunis à Carthagène des Indes (en Colombie) les 25 et 26 mai 2017, des dizaines de représentants de la société civile du continent lancent un appel urgent aux États et Gouvernements des Amériques à surmonter la crise humanitaire et de protection des droits fondamentaux des migrants haïtiens.
Ils se sont retrouvés dans le cadre du Forum International de la Migration Haïtienne dans les Amériques, organisé conjointement par Instituto Pensar-Pontificia Universidad Javeriana et le Conseil pour les Droits de l’Homme et le Déplacement Forcé (Codhes), dans le but de construire une compréhension continentale et multilatérale de la migration haïtienne et d’élaborer une stratégie d’action en faveur de la protection des droits des migrantes et migrants haïtiens.
Ces délégués d’organismes de la coopération internationale (dont le chef de mission en Haïti du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés-Hcr et le directeur pour l’Amérique du Sud de l’Organisation Internationale pour les Migrations-Oim), d’universités, d’organisations des droits de l’homme, de migrants et de la société civile en général en Haïti, aux États-Unis, au Mexique, en Colombie, en République Dominicaine, au Brésil, au Chili, en Équateur, au Pérou et au Canada, ont fait le point sur la situation à la fois complexe et préoccupante des migrants et migrantes haïtiens tout au long du continent.
Ils soulignent que la migration haïtienne en Amérique Latine a connu une croissance exponentielle à la suite du tremblement de terre dévastateur qui a affecté ce pays caribéen en janvier 2010; des pays comme le Brésil, le Chili, l’Équateur, le Mexique, le Venezuela deviennent alors la destination de ce nouveau flux.
Ils estiment que plus de cent mille Haïtiennes et Haïtiens ont migré durant les sept dernières années en Amérique Latine, principalement au Brésil, au Chili et en Equateur.
Cependant, ils font remarquer que, depuis plus de deux ans (date où le Brésil, principal pays d’accueil des migrantes et migrants haïtiens en Amérique latine, s’embourbe dans une crise politique majeure), la migration haïtienne erre à travers le continent, du Sud vers le Nord, parcourant plus de dix pays, pour atteindre les États-Unis à la recherche de meilleures opportunités de vie.
Les participantes et participants au Forum International sur la Migration Haïtienne dans les Amériques dénoncent également des politiques régressives contre les migrants haïtiens, dont « les décisions des Gouvernements de fermer leurs frontières aux migrants, d’augmenter les obstacles à la régularisation migratoire, de limiter leur séjour dans les pays de destination, de mettre des barrières à l’accès aux services de base et, dans certains cas, de promouvoir des mesures ouvertement discriminatoires ».
Ils invitent les États et Gouvernements du continent à réagir face à la grave situation humanitaire et des droits fondamentaux des migrants haïtiens. À travers une Déclaration conjointe, ils articulent des propositions à court et moyen terme à l’endroit de certains acteurs et secteurs spécifiques, en vue de faire de la situation des migrantes et migrants haïtiens une des principales priorités du continent.
Figurent parmi leurs principales recommandations ces deux actions: « définir Haïti comme une priorité dans l’agenda du Pacte mondial sur les migrations et dans le cadre de tous les engagements que prendront les gouvernements du monde » (selon ce qui a été défini dans la Déclaration de New York de 2016) et « étendre aux migrants haïtiens, majoritairement noirs, la protection spéciale établie dans le Cadre de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine (2015-2014) des Nations-Unies ».
Ils convient les Etats d’Amérique à soutenir les mécanismes d’articulation, de coopération et de dialogue afin de se soucier de façon intégrale et effective des personnes en besoin de protection internationale, et ceci afin d’appliquer d’une manière effective le droit international en la matière, prenant en compte la ratification et l’application de la Convention relative au statut des apatrides.
Ils rappellent au monde entier qu’aucun migrant n’est illégal et qu’il est du devoir des États de protéger les droits des migrants.
En ce sens, ils exhortent à poursuivre les bonnes pratiques migratoires (dont celles promues par le Brésil qui a régularisé plus de 80.000 Haïtiennes et Haïtiens) observées en Amérique du Sud, à les renforcer et à promouvoir leur extension dans le continent.
Ils réclament de manière urgente l’octroi aux migrantes et migrants haïtiens vivant aux États-Unis d’un TPS (Statut de Protection Temporaire) d’une plus grande durée, accompagné de solutions à moyen et à long terme qui ne conduisent ni à l’expulsion ni au retour involontaire des 60.000 migrants haïtiens en situation de vide juridique.
Par ailleurs, ils manifestent leur soutien au processus de paix en Colombie et invitent le Gouvernement colombien à devenir un exemple dans la région comme pays protecteur des migrants et des réfugiés.
Quant au nouveau Gouvernement d’Haïti, ils l’invitent à jouer un rôle proactif dans la protection des droits de ses citoyennes et citoyens, à les soutenir à travers ses représentations consulaires et à faciliter leur documentation en vue d’une migration digne et respectueuse des droits de l’homme.
Enfin, ils appellent:
- le monde universitaire, à mener des recherches sur l’histoire d’Haïti en vue de contribuer à déconstruire les stéréotypes qui existent sur ce pays en Amérique Latine ;
- les médias, à connaître, à rendre plus visible la situation des migrantes et migrants haïtiens et à en faire une priorité dans leur agenda d’information, ce qui permettra de mettre en place des alliances journalistiques binationales et internationales ;
- les organisations internationales, qui sont et seront des agents fondamentaux pour la promotion et matérialisation des droits de l’homme, à s’occuper de la protection des droits des migrants et des réfugiés haïtiens ;
- Les organismes supra-étatiques, dont l’Organisation des États Américains (Oea), à assurer le renforcement du cadre juridique interaméricain, la formation d’agents locaux et l’augmentation des budgets, garantissant la protection effective des migrants haïtiens dans le continent tout en considérant les particularités de ce flux.
Enfin, ils lancent un appel urgent à donner une réponse effective aux besoins des migrants d’autres nationalités du continent américain, de manière spécifique aux migrants vénézuéliens et cubains; et ce, selon une approche de droits et des pratiques de fraternité et de solidarité.
Après la réunion de Carthagène, les entités réunies, dont le Réseau Jésuite des Migrants (RJM), le Réseau de Rencontre Dominico-Haïtienne Jacques Viau (République Dominicaine), Catholic Legal Services de l’Archidiocèse de Miami (États-Unis), l’Université Antonio Ruiz de Montoya (Pérou), Instituto Pensar-Pontificia Universidad Javeriana (Colombie), l’Université de Dayton (États-Unis), le Conseil pour les Droits de l’Homme et le Déplacement Forcé-CODHES (Colombie) et le Comité Citoyen pour la Défense des Naturalisés et des Afro-mexicains (Mexique), œuvreront à la construction d’un plan d’action commun et d’un réseau continental de plaidoyer et de suivi des actions des États en matière migratoire, selon une approche fondée sur les droits de l’homme.
* Pour plus d’information: foromigracionhaitiana@gmail.com